Résorption des bidonvilles ? Oui… mais déplacer les bidonvilles ne règle rien !

Après un premier campement Porte de Paris et celui route de La Courneuve, c’est un autre campement toujours Porte de Paris sous le tablier de l’A1 qui a été évacué hier.

Hier soir des dizaines de Roms dont de nombreux enfants étaient encore présents près du site évacués. 

«Trois familles avec enfants et deux personnes isolées malades vont être logées cette nuit, dans cinq chambres d’hôtel», a indiqué Laure Labrossse, membre de la Plateforme de soutien du 93.

«La Drihl (Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement) doit trouver une solution mercredi pour une vingtaine d’autres familles», a également assuré Mme Labrosse. «En attendant, les personnes à la rue vont se poser sous la tente.» 

La résorption des bidonvilles doit s’accompagner de mesures d’accompagnement social, à défaut comme le soulignaient de nombreuses associations rien n’est véritablement réglé.

Ci-dessous la tribune :

Déplacer les bidonvilles ne règle rien 

par Les présidents de CCFD-Terre solidaire, Médecins du Monde, Emmaüs France, Fondation Abbé Pierre, FNARS, Amnesty International France, Association des Cités du Secours Catholique et ATD Quart Monde, Cimade, Emmaüs Solidarité, Secours Catholique, Ligue des Droits de l’Homme et Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope

En pleine zone industrielle, coincés entre voies de chemin de fer désaffectées, autoroutes, et entrepôts, des baraquements de fortune abritent des hommes, des femmes et des enfants. A l’instar des pays les plus pauvres, en France, nous voyons réapparaître des bidonvilles qui témoignent d’une pauvreté extrême dans laquelle des milliers de personnes sont contraintes de survivre.

Et pourtant, vingt mille personnes environ habitent ces bidonvilles. Ces citoyens européens à part entière originaires de Roumanie, de Bulgarie mais aussi des ressortissants d’ex-Yougoslavie sont contraints à la mobilité pour des raisons économiques que la discrimination ne fait qu’aggraver. Personne ne souhaite que ces personnes restent condamnées à ces conditions de vie indignes. Pour autant, détruire leur lieu de vie, les chasser, les contraindre d’abandonner leur peu d’effets personnels, en n’offrant aucune alternative d’hébergement ou de relogement pérenne, n’est évidemment pas une solution. Depuis vingt ans déjà, cette politique a largement démontré sa coûteuse inefficacité. Elle détruit les liens sociaux tissés par ces familles, mais aussi le travail d’insertion engagé avec les différents acteurs associatifs et institutionnels (scolarisation des enfants, accès à la santé, au travail, aux droits sociaux…) et ne fait que renforcer la précarité de ces habitants déjà fragilisés.

Depuis le début de l’année, on dénombre près d’une quarantaine d’évacuations de terrain sur l’ensemble du territoire au cours desquelles de nombreuses familles ont été expulsées de leur lieu de vie au déni de leurs droits les plus élémentaires. Le drame qui s’est déroulé à Lyon le 13 mai révèle que l’absence de proposition de solution durable peut avoir des conséquences tragiques, contraignant les familles à trouver des abris de fortune. Or, il existe un cadre interministériel fixé par la circulaire du 26 août 2012 adressée à tous les préfets qui prévoit un diagnosticsocial et un hébergement durable avant toute évacuation de bidonvilles. Malgré le travail engagé par le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, et la concertation engagée entre le gouvernement et les associations, ce cadre n’est pas respecté dans la grande majorité des territoires. Le gouvernement semblait alors vouloir mettre en place une politique nationale de résorption des bidonvilles. Qu’en est-il aujourd’hui ?

UNE ACCÉLÉRATION DES ÉVACUATIONS

En dépit de cette volonté, nous constatons une accélération des évacuations sans solution de relogement, jetant des centaines de personnes à la rue et les contraignant à dormir sur les trottoirs avec de très jeunes enfants. Ces personnes sont victimes comme tant d’autres d’un dispositif d’hébergement d’urgence structurellement saturé et inadapté à l’accueil familial. Rappelons que la loi consacre l’inconditionnalité et la continuité de l’hébergement pour toute personne en détresse. Doit-on se résoudre à des actions contentieuses pour les faire respecter comme le tribunal administratif de Lyon l’a fait le 4 avril en condamnant le préfet du Rhône ?

Le 14 mai, suite à notre demande, nos associations ont été reçues par le premier ministre afin d’exprimer nos vives inquiétudes face à la reprise d’évacuations des squats et bidonvilles. A cette occasion, nous avons rappelé que nous ne pouvions tolérer que des membres du gouvernement, des représentants de l’Etat ou élus locaux se livrent à des discours stigmatisants qui ne font qu’exacerber les tensions locales et le rejet de ces familles en souffrance dont la plupart souhaite s’installer durablement en France. Le premier ministre s’est engagé à veiller à une application homogène de la circulaire du 26 août 2012.

Nous attendons maintenant une parole forte du premier ministre et un engagement de l’ensemble du gouvernement pour porter un changement de regard, de discours et de pratiques vis-à-vis des personnes les plus fragiles, et pour mettre en place une politique en accord avec les valeurs de notre République à travers l’application du droit commun. Nous réaffirmons que toute solution passe d’abord par le respect des droits fondamentaux des personnes : l’accès au travail, aux soins, à un hébergement, le respect de la scolarisation des enfants.